L’œuvre d’Armel NGUIMBI BISSIELOU retrace l’échec du voyage de MOUKAGNI dû au bourbier dans lequel l’ensemble des voyageurs sera victime. Cette œuvre présente la situation déshonorante du réseau routier gabonais aux citoyens.
Armel NGUIMBI BISSIELOU, au regard d’une telle situation prend le politique à témoin, le place devant ses responsabilités. Car, si les routes ne présentent pas un panorama reluisant, fiable, la faute incombe naturellement aux gouvernements du moins aux politiques qui utilisent de l’argent à des fins subtiles. L’auteur de Le Bourbier ne parvenant pas à trouver une autre expression pour fustiger ce désagrément, préféra parler de détournement de deniers publics, de gaspillage.
Dans cette perspective, le personnage de MBA (chauffeur de la Toyota ) très embarrassé par l’état d’enlisement dans lequel se trouve les véhicules et dans le même ordre d’idées de « faire comme ses patrons ».( )en foulant au pied l’autorité judiciaire par la pratique d’un transport clandestin illicite. Ainsi dira t-il s’adressant à MOUKAGNI.
« Tu sais ces gros bonnets, c’est des rapaces. Ils ont tout pillé et ils veulent toujours l’argent. Mais moi aussi je me débrouille avec sa voiture pour gagner ma vie. Je fais ce que je veux, je m’en fous… »(p.28) Le souci d’un écrivain dans la société est de vouloir faire de celle-ci un modèle, une exemplarité. Comme on le sait, l’écrivain ou du moins l’artiste, se range toujours du coté des « malheureux qui n’ont point de bouche »qui « ne peuvent pas dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas ». A ce titre, en choisissant la voie de la plume, il choisit du même coup, la lutte contre le bourreau, contre l’oppresseur, contre le massacreur de la chose publique et donc du politique ou du régime en place. Ce choix doit s’encrer sur la forme des mots employés dans son œuvre. Ces mots doivent porter une charge sémantique afin qu’ils touchent et vexent le pouvoir en place et dans une large mesure le lecteur. Ce sont des mots qui seront comme des pistolets chargés pour le dire avec Jean Paul SARTRE dans Situations au mieux, « ce sont des mots qui expriment à travers la langue maternelle de l’écrivain, force principale d’unité d’un pays,de la terre qu’occupe son peuple , et de l’esprit national »comme le fait entendre ALexandre SOLJENITSYNE.
Dans cet esprit, l’auteur de Le Bourbier, entend, à la manière de ses pairs, gaffer le politique gabonais, l’élite gouvernante, responsable de la situation du bourbier et donc du retard économique et politique que connaît le pays à travers l’échelle planétaire. Ainsi, loin de se ranger du côté de ceux qui « contribuent au pourrissement de la société », NGUIMBI Armel, prendra sa lire poétique et la transforme en Beretta pour tirer sur les gouvernants afin qu’ils prennent conscience de la gravité du désagrément auquel ils sont responsables. Ainsi dira t-il :
« Il y a une chose : si nous subissons le diktat de ces dirigeants en croisant les bras, nous sommes complices de ces derniers(…)Nous ne sommes nullement maudits, nous sommes responsables de ce qui nous arrive. Nous le méritons. Si nos routes sont dans cet état, c’est que nous nous en accommodons bien en faisant confiance à ceux qui les maintiennent dans cet état »(p.60-61) Aussi poursuit –il :
« Mon frère, tout va mal dans ce pays. Tout est foutu. Oui mon frère, tout est pire. Notre société souffre d’une gangrène que nos décideurs ont laissé délibérément évoluer. C’est une lèpre dont les séquelles ne disparaîtront jamais(…).Nos routes sont un cancer ; il a atteint toutes les parties vitales du corps »(p.89). De la politique à l’économie en passant par le social, le politique reste toujours le principal présumé responsable des problèmes que connaît le pays. L’homme politique gabonais ou africain d’une manière générale, révoque la raison.
Ces inconduites de l’homme politique ont une conséquence sur le plan social qu’Armel NGUIMBI BISSIELOU n’hésite pas à dénoncer également.
CRITIQUE
Les problèmes sociaux ont existés, et existerons toujours tant que l’homme existera dans la société, les problèmes sociaux seront en permanence dans son vécu quotidien. De la sorte, à défaut de les voir s’accumuler, l’homme lui-même en tant qu’être qui incarne le statut de bâtisseur doit de ce fait, trouver des solutions idoines en vue de rendre sa vie agréable.
L’écrivain prend de ce fait sa plume pour la mettre au service de la société afin qu’elle s’en serve nullement pour l’asservir. C’est sans nul doute cet esprit qui exprime Armel NGUIMBI BISSIELOU lorsqu’il choisit de dresser un tableau sombre des maux qui minent l’espace fictionnel Le Bourbier.
Cet acte d’engagement passe en effet par un discours virulent sur « Trouville », ville natale de MOUKAGNI, personnage central du récit. En effet, « Trouville » n’est qu’une métaphore, une ville qui englobe plusieurs trous. D’ailleurs à la page 18 l’auteur ne plante t-il pas le décor de cette ville, théâtre de plusieurs maux : « A Trouville, il n y a que trop de trous maintenant. Des trous où adultes et adolescents passent pour maîtres nageurs dans les eaux de feu »(p 18). ( …) « Ces trous où l’on y entre vif et l’on en sort déboussolé ».
En tenant compte de ces quelques phrases de narrateur (MOUKAGNI), nous entrevoyons en filigrane la description acerbe de Trouville. D’abord par le choix du nom : Trouville. Ensuite par cet humour noir qu’il emploi lorsqu’il parle en ces termes : « Trouville étant devenu une jungle où tout le monde se perd. C’est le colt qui fait maintenant la loi ». Nous constatons bel et bien qu’il y a de l’humour anglais car, ici c’est une forme d’ironie plaisante, souvent satirique consistant à souligner avec esprit les aspects drôles ou insolites de la réalité. Par exemple, à la page 18 lorsque Moukagni dit : « Trouville est une ville où les hommes au log couteau font leur safari ».
On ne peut faire du safari qu’à des circonstances heureuses. Or, ici « faire du safari » signifierait « faire du braquage, du banditisme etc. » Tout compte fait, la lecture que le narrateur fait de Trouville, est une lecture satirique en dénonçant la pléthore des maux qui « colonisent » cette ville : pauvreté ;insécurité, alcoolisme etc. En outre, l’engagement social que l’on retrouve dans le Bourbier est un cri de cœur pour dénoncer la situation de crise que traverse le pays. D’ailleurs le titre de l’œuvre est évocateur : Le Bourbier, lieu fangeux, situation embarrassante et fâcheuse.
L’auteur lui-même, n’est-il pas plus explicite lorsqu’il généralise ce bourbier dont tout le pays est en proie ? (p.112) « Bourbier Education, Bourbier Santé Bourbier Habitat Bourbier Agricole Bourbier politique Bourbier Bourbier Bourbier tu nous rends fais » Une telle lamentation poétique, ne peut laisser aucun lecteur indifférent. Prose et rime s’entremêlent pour exprimer le déchirement intérieur de l’auteur ; celui-ci dénonçant le malaise qui sévit dans tous les secteurs d’activité du pays.
Toute fois, cette dénonciation, cette contestation ne peut être possible que grâce à un certain nombre d’outils, de moyens qu’il importe de relever/étudier.
Moyens de la contestation
La parole
La parole, pour certains écrivains, reste sans conteste le premier moyen de vouloir la liberté. Position d’ailleurs explicitement exprimée par Aimé Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal à la page 40 : « […] Ma bouche sera la bouche des malheureux qui n’ont point de bouches […] ». Cette bouche à laquelle fait allusion Aimé Césaire, n’est autre que cette arme pouvant, dans une moindre mesure, lutter contre le mal ; une arme servant aussi de phare pour éclairer les âmes égarées et dispersées. C’est précisément le moyen de contestation premier dont dispose Moukagni pour parler les siens du malaise du pays : p. 97. « Mon frère ,tout va mal dans ce pays . Tout est foutu ,
Oui mon frère , lui dis-je. Tout est au pire. Notre société souffre d’une gangrène que nos décideurs ont laissée délibérément évoluer. C’est une lèpre dont les séquelles ne disparaîtront jamais » Disons, pour résumer cette fougue de Moukagni que l’objectif que se fixe ici Armel NGUIMBI-BISSIELOU est d’instruire. Nous avons l’impression que par le truchement du pronom possessif « mon »(frère) ; Moukagni veut interpeller ; il y a ici ce que Genette(G) appelle la fonction de communication du langage. Donc Moukagni veut donner une information c’est pour cela qu’il insiste sur le « mon frère » .Ainsi ,Moukagni apparaît-il comme un défenseur des droits fondamentaux d’une véritable classe des opprimés . Il a pour principale arme sa voix .
Au-dè-la de la parole ,il y a en outre l’écriture qui sert de moyen pour notre écrivain de contester.
L’écriture
A défaut de la parole, l’écriture est aussi une arme redoutable dans Le Bourbier ce qui nous intéresse particulièrement dans cette œuvre c’est la manière dont l’écriture récupère le langage.
On peut affirmer sans risque de nous tromper qu’il y a refiguration du « discours de l’engagement » pour paraphraser Greimas.
Rendons nous par exemple à la page 103 pour mieux cerner l’engagement Nguimbien sur le plan scriptural/scripturaire : « Ils ont sparadrapé nos bouches pour nous mettre dans le bourbier ; Ligoté notre liberté pour nous arrimer dans le bourbier ; Ils ont lessivé nos cerveaux pour nous étendre sur le bourbier ; Brisé notre élan pour nous pétrir de la boue du bourbier ; Ils ont enfin nos trésor dans l’humus helvétique pour nous enterrer dans le bourbier ;(…) »
Lorsque nous analysons minitueusement ce brin de poème, il en ressort qu’il y a une anaphore sémantique qui s’est construit autour du « bourbier ».
Tout ceci nous amène à éprouver le point de vue Georice Bertin MADEBE qui déclarait au sujet de l’engagement que : « Un texte engagé à une structure discursive éminemment fermé ; chapeauté par un discours référentiel servant d’argument ».
En effet, dans ce mini poème d’Armel NGUIMBI BISSIELOU, il y a un terme « générique » qui est le bourbier et nous observons que tout au long du poème il y a des sous discours qui viennent corroborer, étayer, argumenter l’idée qui s’est forgée autour du bourbier.
En somme, l’écriture d’Armel NGUIMBI BISSIELOU ne trahit pas la pensée, l’objectif de l’auteur qui est de rendre compte avec véhémence la gangrène d’une société.
CONCLUSION
blier la littérature. Autrement dit, au delà de l’engagement sur le plan physique où l’écrivain prend position par rapport à un problème précis, il y a la littérature engagée où l’écrivain exprime son contentement ou son mécontentement.
L’engagement, c’est aussi la défense des valeurs humaines et culturelles qui fondent une cité. Sur ce la littérature gabonaise, et partant un auteur comme Armel NGUIMBI BISSIELOU s’engage sur le plan politique, social et diégétique pour s’opposer à un système politique qui ne satisfait pas. L’engagement de cet auteur est étroitement lié à la crise économique et politique. Le fait d’écrire et de publier un livre c’est déjà s’engager. Malgré le fait que ce roman ( Le Bourbier) soit allusive c’est-à-dire fait d’un discours implicite et subtile, L’engagement s’y donne à lire.
« La notion d’engagement implicite donc chez ceux qui se disent engagés(…) une prise de conscience catégorique dans le jeu des parties en présence, une participation effective à l’action, un dévouement total à la cause » affirme Bastide. C’est pourquoi le rapport entre littérature et société est fondamental pour pouvoir parler de littérature engagé.
Armel NGUIMBI BISSIELOU, montre à sa manière que la littérature n’a plus le droit d’oublier cette question essentielle : à quel besoin encore aujourd’hui ? Tout écrivain doit savoir qu’il est impliqué dans ce qu’il écrit et qu’il implique aussi son lecteur. Ainsi le jeune romancier gabonais répond à une urgence, il n’a pas toujours « quelque chose à dire » mais simplement « à dire ».
Source: Université Omar Bongo -Département de Littératures Africaines
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
No comments:
Post a Comment